Pourquoi l’immobilier va baisser

mercredi 6 avril 2005.
 

Les prix de l’immobilier s’envolent. Ils ont atteint des sommets inimaginables et il devient de plus en plus difficile de se loger convenablement. Les professionnels (FNAIM, Notaires...) nous annoncent régulièrement des prix en hausse et claironnent à tout va que le marché est sain, que vous pouvez acheter sans craindre que votre bien perde de la valeur... au contraire, dépêchez vous avant qu’il ne soit trop tard. Mais derrière ce discours commercial se cache une réalité bien différente.

Il est temps de tordre le cou à bon nombre d’idées reçues.

Dernière mise à jour : 30 Aout 2006

Même les professionnels s’accordent à dire que les prix ne peuvent plus raisonnablement monter. Cependant, tous prédisent un "atterrissage en douceur" plutôt qu’une baisse significative des prix. Nous allons voir que pourtant, de nombreux éléments portent à croire que au contraire, une baisse des prix de l’immobilier significative est à prévoir.

Les origines de la hausse des prix.

La hausse des prix est principalement liée à trois facteurs :
-  Des prix à l’origine (1997) particulièrement bas, consécutifs à l’éclatement de la bulle spéculative de 1991
-  Les taux d’intérêt bas ont permis d’améliorer la solvabilité des ménages, et donc d’augmenter le nombre de candidats à l’accession à la propriété.
-  Un certain déficit de logements : lorsqu’il n’y a pas assez de logements pour tous (même avec un déficit faible), ça fait forcément monter les prix.

La fin de la hausse...

Tout d’abord, l’effet des taux bas ne dure qu’un temps. La pénurie (réelle ou imaginaire) de logements permet aux prix de monter tant que les acheteurs potentiels sont solvables. Les taux bas ont accéléré la demande en augmentant la solvabilité des ménages, mais aujourd’hui, les prix ont tellement monté que l’effet positif des taux bas a été largement anéanti : les ménages ont, malgré les taux bas, perdu en pouvoir d’achat.

Il faut bien comprendre que les prix sont tellement élevés que les primo-accédants (les locataires qui rêvent de devenir propriétaires) sont chassés du marché. Parmi cette population (qui représente une part très significative des acquéreurs en temps normal), les rares qui arrivent encore à acheter sont presque toujours obligés de s’endetter au maximum de leurs capacités (33% de leurs revenus) sur des périodes de 20 à 30 ans, parfois à taux variable, ce qui est totalement déraisonnable vu la situation économique (inflation très faible et risque de chômage élevé). Rien a voir avec les générations précédentes qui empruntaient certes à 8 ou 10%, mais sur 20 ans maximum, et dans un contexte d’inflation (et de hausse des salaires) de 10% par an : Le poids du crédit (remboursement constant) dans le budget du ménage était alors rapidement minoré, et le crédit était renégotiable en cas de baisse des taux. Un marché qui exclut de la sorte les primo-accédants, et les oblige à de tels sacrifices, ne peut être sain, car en bout de chaine, il faut toujours un primo-accédant pour alimenter le marché.

Enfin, les taux ne peuvent descendre plus bas, au contraire, ils ne peuvent que augmenter ou au pire se stabiliser. Or, la limite à la montée des prix est bien la capacité des acheteurs : s’ils refusent ou ne peuvent simplement pas acheter au prix demandé, le bien ne se vend pas, jusqu’à ce que son prix baisse : c’est le principe de base du marché.

Cette seule raison suffit à expliquer une légère baisse puis stabilisation des prix, mais nous n’avons pas encore vu d’arguments en faveur d’une baisse véritable... C’est là qu’entrent en jeu d’autres indicateurs.

...Et même une Baisse à prévoir

Nous venons de voir que, à moins d’une bulle purement spéculative, les prix ne peuvent plus raisonnablement monter. Ils ne peuvent donc que stagner ou baisser. Or, quelle est la principale (seule ?) raison qui ferait baisser les prix ? Tout simplement une offre qui deviendrait supérieure à la demande... c’est le mécanisme de base qui régit un marché libre.

Il convient donc de s’attacher aux évolutions prévisibles dans les années à venir de l’offre (nombre de logements disponibles) et de la demande (nombre de foyers à loger).

Voyons d’abord l’évolution de l’offre

Certes nous partons d’une situation difficile, caractérisée par un déficit de logements. Cependant, il faut reconnaître que la grande majorité des habitants arrive à se loger, même si ce n’est pas dans des conditions optimales (les SDF ne représentent heureusement qu’une très petite part de la population, même si c’est déjà trop). Le déficit de logements, s’il était réel à l’origine, n’était donc probablement pas si ’gros’ que cela. Il semble même que aujourd’hui (de l’aveu de certains professionnels), nous ne sommes plus en situation de "déficit de logements à vendre", mais en situation de "déficit de logements à vendre A PRIX RAISONNABLES". Les logements à vendre sont bien là, mais trop chers pour les acquéreurs potentiels, ce qui présage une correction. En l’absence de chiffres précis, il est bien difficile de savoir si le déficit de logements existants est résorbé ou non, mais les signes sont plutôt positifs.

Mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? Deux critères peuvent être regardés, l’un à court terme, l’autre ayant des effets à plus long terme. Tous d’abord, les chiffres de la construction de logements neufs explosent depuis 2 ans (en nombre de logements commencés) : plus de 400000 logements mis en chantier en 2005 (et des chiffres toujours en progression pour 2006), alors que l’augmentation du nombre de ménages sur la même période peut etre estimée à 300000 environ.

Même les profesionnels de la construction reconnaissent cette situation : cf les courbes comparant demande et production annuelle de logement sur le site de la FNPC : http://www.fnpc.fr (rubrique actualité/analyse de conjoncture) Nota : le document est mis à jour régulièrement, parfois la courbe disparait du document. Regardez 2004 : c’est la première fois depuis 1975 que l’on construit plus que la demande. Et avant 1975 (la courbe commence en 1953), le niveau de construction à été fréquemment supérieur à la demande, mais on était alors dans un contexte d’augmentation continue de la demande... l’offre ne faisait donc qu’anticiper. Tout l’inverse d’aujourd’hui où le besoin annuel de logements neufs décroît progressivement (explications paragraphes suivants).

Que ce soit en locatif (merci les Robien) ou en résidence principale, l’offre s’étoffe d’année en année.

D’autre part, nous entrons dans le Papy boom : les premiers représentants de la génération baby boom atteignent l’age de la retraite, et remplacent une génération de retraités peu nombreux (à cause entre autres des deux guerres mondiales). Or, les plus de 60 ans constituent la part de la population où le nombre de décès est de loin le plus élevé, ce qui représente autant de logements libérés chaque année. Augmentez le nombre de plus de 60 ans, et vous verrez chaque année plus de logements se libérer en raison du décès de leurs occupants !

Conclusion sur l’offre : on construit énormément aujourd’hui, et demain, de plus en plus de logements vont se libérer.

Qu’en est-il de la demande ?

Sur le long terme, la demande dépend tout simplement du nombre de ménages à loger. En toute rigueur, on devrait d’ailleurs plus parler de besoin structurel, la "demande" réelle étant plus volatile puisqu’elle dépend de la volonté et de la capacité des ménages à acheter, comme nous le verrons plus tard.

Concrètement, qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis des années, le nombre de ménages augmente, mais en observant la pyramide des ages en France, on observe que la tendance va s’inverser prochainement : les derniers baby-boomers viennent de quitter la tranche des 25-35 ans, traditionnellement celle ou l’on trouve le plus de primo-accédants, laissant la place à une génération bien moins nombreuse.

Le nombre annuel d’arrivants potentiels sur le marché de l’immobilier est donc en baisse, et nous avons vu que le nombre de "sortants" allait augmenter. Nous sommes à l’aube d’un déséquilibre durable et profond entre l’offre et la demande... nous allons bientôt disposer de trop de logements par rapport au nombre de personnes à loger. A terme (20-25 ans), une baisse des prix significative est donc à prévoir.

Cependant, la tendance à long terme n’est pas tout. Une tendance à long terme peut être perturbée par une tendance à court terme liée à des facteurs plus ponctuels, entre autres les facteurs psychologiques.

En effet, si les prix montent autant, c’est que la demande est en forte croissance. Or le nombre de logements structurellement nécessaires aujourd’hui n’est pas significativement supérieur à ce qu’il était il y a quelques années (la population s’accroît lentement et on construit constamment de nouveaux logements). Alors, comment se fait-il que l’on observe tant de demande ? C’est tout simplement l’effet psychologique.

Voyant les prix monter, les acquéreurs potentiels paniquent : ils ont peur de ne plus pouvoir acheter si les prix montent encore, et donc se précipitent tous en même temps sur le marché, gonflant ainsi artificiellement le déséquilibre offre/demande et renforçant la hausse des prix. C’est un cercle vicieux qui concentre la demande de plusieurs années sur une période de temps beaucoup plus courte. Mais dans ce contexte, les acheteurs d’aujourd’hui sont ceux qui auraient fait la demande de demain. La preuve : l’age moyen d’accession à la propriété sur ces dernières années a baissé de 6 ans. C’est le même effet que la "balladurette" sur le marché automobile : tous les acheteurs potentiels se précipitent sur l’offre, mais une fois la promo terminée, les ventes chutent puisque tous les acheteurs potentiels sont passés à l’acte. Voilà comment on créé une belle bulle immobilière.

Deuxième facteur incitatif à l’achat : après la bulle internet, de nombreux investisseurs et particuliers se sont retournés vers la pierre, considérée comme une valeur sure (plus value assurée lors de la revente). Là aussi, l’effet d’embalement joue, de plus en plus d’investisseurs sont simplement attirés par les plus-values envisageables, même si à la base ils cherchent à se loger. C’est oublier que les cracks existent aussi dans le monde immobilier (-40% après 1991 en Ile de France) et que si la tendance long terme a été positive sur le siècle dernier, elle ne le sera pas forcément à l’avenir en raison des évolutions démographiques évoquées ci-avant. Une des règles de base de l’investisseur averti est de ne jamais oublier que "les performances du passé ne présagent pas des performances futures". Lorsque le public prendra conscience de cette réalité (et il commence à le faire), l’engouement pour l’immobilier, et donc la demande devrait significativement baisser. Les investisseurs institutionnels ne s’y trompent d’ailleurs pas : ils ont déjà vendu ou sont en train de vendre la majeure partie de leur parc immobilier... tout simplement car leur niveau de rentabilité n’est plus suffisant. Ils prennent donc leur plus value avant que ce soit trop tard. Et pendant ce temps, les particuliers sont inondés de conseils et publicités les incitant à acheter !!!

D’ailleurs, ce qui marche dans un sens fonctionne aussi dans l’autre. Lorsque les prix commenceront à baisser, certains vendeurs prendront peur et précipiteront leur vente pour tirer le meilleur prix de leur bien... L’offre explosera, alors que dans le même temps les acquéreurs potentiels déserteront le marché, attendant que la baisse se poursuive (pour acheter au plus bas). On verra a lors se créer un déséquilibre offre/demande inverse à la tendance actuelle, et tout poussera à une chute vertigineuse des prix

Enfin, une hausse des taux d’intérêts, prévisible à terme même si elle tarde à se concrétiser (maj Mai 2006 : elle est bel et bien démarrée), mettra sérieusement à mal la solvabilité des ménages, et baissera d’autant les "prix d’équilibre" du marché.

Conclusion sur la demande : à court et à long terme, la demande va diminuer, sauf formation d’une bulle spéculative (qui ne pourrait alors qu’éclater très violemment tôt ou tard).

En finir avec certaines idées reçues

Avant de conclure, il est important de revenir sur certains arguments souvent entendus dans la presse pour soutenir la hausse. Ce qui suit est un simple résumé, le site http://www.bulle-immobiliere.org aborde ces points en détail.

Contrairement à ce que disent les défenseurs d’une hausse, les étrangers achètent peu en France (2 à 4% des transasctions), sauf de manière très localisée. Ce ne sont pas eux qui définissent les tendances du marché.

Pour ce qui est de la comparaison avec les prix d’autres capitales européennes, elle n’a aucune valeur : les modes de vie, salaires et densités de population de Londres sont par exemple très différents de Paris ; il n’est donc pas anormal d’observer des écarts de prix importants. De toutes manières, certains pays d’Europe connaissent des prix d’immobiliers très inférieurs à la France (Belgique, Allemagne) et ne semblent pas spécialement amorcer de rattrapage. Et que dire des dernières infos en provenance des USA, ou l’éclatement de la bulle est clairement amorcé et annoncé de toutes parts !

Enfin, toutes les mesures visant à resolvabiliser les acquéreurs (pret à taux zeré étendu à l’ancien, allongement de la durée des prets...) sont extrèmements vicieuses : Tout d’abord, dans un marché haussier, elles ne font que permettre aux prix de monter encore un peu plus et aux vendeurs de gagner plus d’argent, mais en aucun cas elles n’améliorent durablement le pouvoir d’achat des acquéreurs. Mais surtout, lorsque toutes les mesures ont atteint leurs limites et que le marché est au bord du retournement(c’est le cas aujourd’hui), elles peuvent se retourner contre leurs bénéficiaires : comme elles ont permis aux prix d’atteindre des sommets toujours plus délirants et décoréllés des "fondamentaux du marché", la baisse qui suit (retour à ces fondamentaux) est d’autant plus violente et dévastatrice. Imaginez la situation de celui qui a emprunté sur 30 ans et doit revendre au bout de 5 ans (famille qui s’agrandit, mutation, divorce, chomage...) un bien qui a perdu 30% de sa valeur alors qu’il n’en a meme pas remboursé 10% à sa banque (et oui ! les premières années, les mensualités remboursent surtout des intérêts et très peu de capital !)

Dernier point, seuls les investisseurs ont intérêts à la flambée des prix. Une baisse des prix serait souhaitable bien sûr pour tous ceux qui veulent acheter leur résidence principale, mais aussi pour ceux qui ont déjà acheté (même cher et devant encore rembourser un crédit), car on a tous besoin de se loger. Si les prix baissent, les propriétaires revendront certes moins cher, mais rachèteront également moins cher. Une baisse des prix leur permettrait même de s’agrandir pour un effort financier moindre que celui qu’ils devraient faire aujourd’hui. Ne vous laissez pas aveugler par l’enrichissement lié à la prise de valuer de votre résidence principale : c’est un enrichissement tout à fait virtuel, puisque vous aurez toujours besoin de vous loger et que votre argent est bloqué dans cette résidence... par contre, il ne vous empechera pas de payer l’ISF.

Conclusion

En conclusion, la seule chose dont on est certain, c’est qu’il n’a jamais été aussi peu intéressant d’acheter qu’aujourd’hui : les prix sont démentiels et vont très probabement perdre plusieurs dizaines de pourcents dans les années à venir, alors que les prix de la location, même s’ils sont augmenté aussi sont loin d’avoir atteint les mêmes sommets, et ils commencent même à baisser (en partie grace à la surproduction de logements "Robien" dans certaines villes).

Celà ne veut pas dire qu’il ne faut en aucun cas acheter. c’est juste beaucoup moins intéressant et plus risqué que par le passé, donc intéressant pour de moins en moins de monde. D’une manière générale, si vous pouvez acheter un bien qui répondra à vos besoins sur le long terme (localisation, de surface, etc...) avec un emprunt raisonnable sur moins de 15 ans, lancez-vous. Sinon, abstenez-vous et patientez.

N’écoutez pas les discours et les statistiques bidonnées de la FNAIM et des constructeurs (qui ont tout intéret à ce que le marché continue de monter) -bizarement les seuls relayés par la majorité de la presse-, mais croyez plutot les alertes lancées par les économistes reconnus, par un certain sénateur qui visiblement maitrise son sujet, par les rares organismes indépendants (inexistants en France, mais existant au niveau international). Renseignez-vous sur Internet, il existe de nombreux sites indépendants parlant d’immobilier.

On ne peut jamais deviner avec certitude l’avenir, mais plus le temps passe, plus les conditions pour une baisse sont réunies. Contrairement à ce que voudraient faire croire les embobineurs, une baisse significative à venir est maintenant une quasi certitude... trop de conditions, à la fois court et long terme sont réunies. Nul ne peut savoir quand la baisse va s’amorcer (certains prétendent qu’elle a déjà commencé), ni de combien elle sera... mais il est fort probable que c’est une question de mois et qu’elle sera significative. Il est illusoire d’espérer faire une plus value sur lors de la revente d’un bien immobilier qui serait acheté aujourd’hui : même sur le long terme, le risque de moins value n’est pas négligeable.

Réussir dans l’immobilier (que ce soit en investissement ou en résidence principale) est toujours une question de timing : savoir patienter jusqu’au bon moment et savoir se décider vite le moment venu. En ce moment, ce n’est clairement pas le moment d’acheter (sauf exception... car en immobilier, chaque cas est unique).

Liens utiles

http://www.bulle-immobiliere.org

forum de la bulle immobilière

http://www.le-blog-immobilier.com

l’étude de J.Friggit

Des jeunes se révoltent (dans la bonne humeur) contre les prix prohibitifs des loyers : http://www.jeudi-noir.org

quelques blogs : http://immoboum.canalblog.com/

http://jaimelekrach.over-blog.com/

http://catabulle.canalblog.com/

quelques articles : http://www.economiematin.com/article.php3 ?id_article=520

http://capital.fr/immobilier/Default.asp ?numero=57481&Cat=IMM

http://infos.actusite.fr/page.php ?id=1889

Pour finir, deux fichiers intéressants : l’un permet d’estimer rapidement et facilement votre capacité d’emprunt en fonction des mensualités que vous pouvez payer (max accepté par les banques : 33% de vos revenus nets), et de comparer le coût des intérets par rapport à ce que vous allez emprunter.

Le deuxième vous permet de comparer le cout d’une location avec le cout d’un achat, en prenant en compte un maximum de paramètres. Il est infiniment plus pertinent que la simple comparaison du coût des mensalités à un loyer, dont malheureusement beaucoup se contentent. Vous verrez que souvent, il vaux mieux louer qu’acheter (en tout cas au niveau des prix actuels).


capacité et cout d’emprunt

simulateur achat/location
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